Retraite : la question clef de l’âge légal

Retraite : la question clef de l’âge légal
Retraite : la question clef de l’âge légal
Il y a une symétrie fictive entre les programmes électoraux qui envisagent le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans et ceux qui proposent de rétablir la possibilité de partir dès 60 ans.
En effet le projet de report de l’âge légal de la retraite à 65 ans ne provient pas d’une réflexion sur le sort des salariés, ni même sur l’équilibre financier du système. Ce projet est d’abord motivé par une stratégie de baisse des dépenses publiques et d’augmentation de la main d’œuvre disponible. A l’inverse, le projet de retraite à 60 ans porté par la gauche, qui est certes très coûteux, a le mérite de mettre au cœur des enjeux la question fondamentale du travail, de sa dureté et de poser clairement le sujet des progrès sociaux envisageables ou non pour les cinq ans qui viennent
Il est vrai que la souffrance au travail, l’aspiration au temps libre, le chômage ou l’invalidité des seniors prendraient une tout autre dimension avec une retraite décalée de trois ans. C’est la raison pour laquelle l’âge est un enjeu premier pour les assurés.
Mais elle n’épuise pas les améliorations possibles du système de retraite. En effet si notre système de retraite remplit, en moyenne, plutôt bien son rôle consistant à offrir un véritable revenu de remplacement aux seniors dans une logique de sécurité sociale, il présente également des limites importantes.
Car la retraite protège efficacement :
• elle protège d’abord de l’exposition à des mauvaises conditions de travail, physique et psychiques. C’est ainsi que le passage à la retraite diminue nettement la probabilité de déclarer une incapacité ou un trouble dépressif, qui sont particulièrement élevées dans les professions exposées à des facteurs de risque ;
• retraite protège également de la précarité. Pour la moitié des ménages au niveau de vie le plus élevé, le passage à la retraite est l’expérience d’une baisse modérée du niveau de vie. Pour les plus modestes en revanche, le passage à la retraite améliore les revenus, car il marque le plus souvent la fin d’un sas de précarité (inactivité, chômage, invalidité) entre le dernier emploi et le début de la retraite. Le passage de la retraite de 60 à 62 a d’ailleurs nettement allongé ce sas de précarité qui touche principalement les ouvriers et les employés.
Toutefois, des limites importantes pourraient et devraient être surmontées :
• les inégalités entre femmes et hommes bien sûr. Les inégalités moyennes de pension de droit directe (38%) excèdent largement les inégalités de revenu salarial (24%). De plus, les femmes sont surreprésentées parmi les personnes qui attendent un âge tardif, souvent hors de l’emploi, pour liquider leur pension sans subir la décote. Cela tient à ce que les femmes ont à la fois des salaires plus faibles et des carrières moins favorables et interrompues, ce qui affecte le calcul de leur pension :
• les critères fixés pour avoir une retraite « normale » sont ceux d’une carrière idéalisée (et très masculine) : 43 ans de carrière, ascendante et sans interruption. Toutes les personnes dont la vie ne correspond pas à ce schéma subissent de lourdes pénalités seulement amorties par des dispositifs de solidarité. Une des priorités devrait consister à réaliser un audit des carrières réelles et à fixer des critères correspondant à la réalité des trajectoires actuelles. A cet égard, la suppression de la « décote » permettrait aux personnes aux carrières les plus discontinues, les salaires les plus faibles, les pensions les plus basses (et souvent les retraites les plus courtes), de partir dès l’âge légal de la retraite plutôt que d’attendre l’âge de 67 ans ;
• de même l’ouverture du minimum vieillesse dès l’âge légal de la retraite (et non pas à 65 ans comme aujourd’hui), ou l’instauration d’une pension minimum universelle seraient des avancées majeures pour les retraités les plus modestes. De ce point de vue la promesse d’une « pension minimale à 1100 euros pour une carrière complète » par le Président MACRON serait certes une amélioration mais limitée : parmi les 20 % de retraités aux pensions les plus faibles, plus de 9 sur 10 n’ont pas effectué une carrière complète et n’atteindraient donc pas les 1100 euros promis ;
• une autre amélioration techniquement simple mais socialement importante serait de revoir le mode de calcul de la pension pour les poly-pensionnés : plutôt que de calculer la pension indépendamment dans chaque régime, conduisant parfois à des iniquités importantes selon qu’on a commencé ou terminé sa carrière dans le public, le privé ou dans un autre régime, il serait simple d’instaurer un mode de calcul « au plus favorable » et d’en tenir compte dans les compensations entre caisse. Nul besoin, par conséquent, de refonder entièrement le système pour surmonter cette injustice.
Au total, il conviendrait de prendre conscience que, sans financement supplémentaire, la retraite sera non seulement plus tardive, mais le niveau de vie relatif à la retraite des générations nées dans les années 2000 sera inférieur de 20 % à ce qu’il est aujourd’hui. Il est possible d’enrayer ce phénomène encore lointain, mais il faut pour cela se donner dès maintenant des objectifs, non seulement d’âge mais également de niveau de vie des retraités, et ajuster, très progressivement les ressources du système.
Tout ceci devrait reposer sur une concertation approfondie avec les organisations syndicales sans laquelle aucune évolution d’envergure n’est envisageable en la matière.
Yves URIETA
Président de Convergence Républicaine
Ancien maire de Pau
Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
Yves Urieta

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