Le CESE est mort, vive le CESE !

Le CESE est mort, vive le CESE !
  • Comme on le sait, la loi organique du 15 janvier dernier modernise le droit de pétition auprès du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et consacre la possibilité pour celui-ci de recourir au tirage au sort de citoyens. Il permet également de faire du CESE « le carrefour des consultations publiques » et réforme sa composition. Ces mesures sont applicables à partir du 1er avril 2021, après la fin de l’actuelle mandature.
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    Afin d’éclairer l’action des pouvoirs publics, la loi permet ainsi au CESE d’organiser des consultations publiques sur des sujets économiques, sociaux ou environnementaux, de sa propre initiative, à la demande du gouvernement, du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Comme pour la convention citoyenne pour le climat, des citoyens peuvent être tirés au sort pour participer à ces consultations.
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    Forum de la société civile, le CESE peut faire participer aux travaux de ses commissions, avec voix consultative et pour une mission déterminée, des conseils consultatifs de collectivités territoriales ou encore des citoyens tirés au sort. Sur amendements des parlementaires, les conditions de consultation et de participation du public aux travaux du CESE ont été précisées : garanties de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité, garanties de bonne information des participants, de représentativité des panels sélectionnés. En cas de recours au tirage au sort pour une consultation, le CESE doit nommer des garants.
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    Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation sur cet article : dans sa décision du 14 janvier, il considère que le nombre de participants d’instances consultatives locales ou du public ne saurait que « constituer une part limitée du nombre des membres d’une commission », de sorte de ne pas déséquilibrer sa composition et son fonctionnement.
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    Le texte modernise également le droit de pétition auprès du Conseil, peu utilisé jusqu’ici. Les pétitions peuvent désormais lui être adressées par internet. Sur amendement des parlementaires, ce droit est ouvert dès l’âge de 16 ans (contre 18 ans auparavant) et le nombre requis de signataires est abaissé à 150 000 (contre 500 000).
    Par ailleurs, la place du CESE dans le débat public est renforcée par la portée qui est donnée à ses avis.
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    Lorsqu’il est consulté sur un projet de loi relevant de sa compétence, le gouvernement ne procède pas aux consultations prévues par les textes (sauf quelques exceptions). Sur ce point, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions avaient valeur de loi ordinaire et non pas de loi organique. Sur amendement des députés, le CESE peut néanmoins toujours consulter dans le cadre de l’élaboration de ses avis les instances consultatives compétentes.
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    La composition du CESE est aussi modifiée. Le nombre de ses membres passe de 233 à 175 (suppression des 40 personnalités qualifiées désignées par le gouvernement notamment). Ils doivent être répartis en quatre grandes catégories dont le détail sera fixé par décret après avis d’un comité consultatif qui va prochainement rendre ses travaux. À l’initiative des députés, la représentation des Outre-mer a été précisé : 8 représentants des Outre-mer doivent être nommés dans la troisième catégorie des membres du CESE au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative.
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    Enfin, un volet « déontologie » a été ajouté dans le texte par les parlementaires : adoption d’un code de déontologie et nomination d’un organe déontologique par le CESE, obligation pour les conseillers de remettre un rapport annuel d’activité publié sur le site de CESE et de déclarer leurs intérêts…
    Il convient d’abord de se réjouir de ces évolutions qui vont dans le sens d’une meilleure prise en compte de la voix de la société civile organisée qui s’exprime à travers cette assemblée. Ces potentialités devront toutefois se concrétiser dans la réalité, ce qui est loin d’être gagné.
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    La loi organique appelle de ma part deux remarques :
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    * La première, pour regretter la disparition des Personnalités Qualifiées (dont j’ai eu l’honneur de faire partie) qui jouaient pourtant un rôle si particulier au sein du Conseil. Certes, l’exécutif ne pourra plus nommer directement par ce biais des membres au Palais d’iéna, ce qui pouvait être considéré comme une incongruité dans une démocratie. Mais on sait bien qu’il conservera un pouvoir d’influence sur les nominations par de multiples canaux ;
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    * La seconde, pour m’étonner de la vogue actuelle en faveur de la démocratie directe et de la participation citoyenne. Tout se passe comme si la parole d’un individu tiré au sort devait l’emporter sur celle d’un membre d’une organisation de la société civile, comme si le non-spécialiste était préférable à la représentation. C’est nier la valeur de l’engagement et celle du mandat que l’on reçoit de ses mandants.
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    Comme toujours, le diable est dans les détails. Le CESE d’antan est mort, place à un nouveau CESE. L’essentiel à mes yeux est que les corps intermédiaires retrouvent la place qu’ils n’auraient jamais dû perdre dans le processus de décision publique et dans notre démocratie. La culture du compromis et du rassemblement républicain qui était la marque de fabrique du CESE ne doit pas disparaître au profit du culte illusoire du citoyen.
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    Yves URIETA.
    Président de Convergence Républicaine
    Ancien maire de Pau
    Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
Yves Urieta

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