Gouverner en républicain

Emmanuel MACRON est réélu, bravo à lui, et Marine LE PEN est donc écartée du pouvoir. Il faut se féliciter du vote des Français qui n’a pas ouvert la voie à une aventure d’extrême droite aux conséquences périlleuses.

Pour autant, le plus dur commence pour le Président de la République reconduit. Il s’agit, pour lui, de rassembler nos compatriotes en considérant la diversité des voix qui se sont portées sur son nom, parmi lesquelles la composante du rempart face à l’extrême droite est particulièrement forte. Il ne s’agit donc pas d’un vote d’adhésion qui lui laisserait les mains libres pour ce second mandat, bien au contraire.

En réalité, il doit démontrer, pas seulement dans le discours comme il l’a fait après son élection mais par des actes, qu’il a entendu le message des Français. Ceux-ci veulent bien pour cinq ans de plus d’Emmanuel MACRON, surtout compte tenu de l’alternative qui leur était proposée, mais ils attendent un changement profond du mode de gouvernement que l’on pourrait notamment résumer en trois caractéristiques :

– Un Président proche des Français et non éloigné de leurs préoccupations ;

– Un mode de décision beaucoup moins vertical et plus partagé entre les niveaux institutionnels ;

– Un Président plus respectueux des corps intermédiaires et porteur d’un esprit de concertation.

Vaste programme comme aurait dit le Général tant cela revient à prendre le contre-pied de la pratique du pouvoir au cours des cinq dernières années. On peut avoir quelque doute sur la capacité réelle du Président à s’engager dans cette voie, comme il l’a laissé entendre dès dimanche soir mais il n’a pas le choix. Ne pas gouverner autrement et le proclamer, c’est prendre le risque d’une majorité hostile à l’Assemblée nationale et d’une possible cohabitation houleuse à l’issue des prochaines législatives. C’est aussi s’exposer très rapidement à des mouvements sociaux et d’opposition qui, de toutes façons, entraveraient son action et terniraient son quinquennat, après un premier mandat particulièrement mouvementé, c’est le moins qu’on puisse dire.

La clef, c’est la concertation. Avec les élus locaux, les syndicats et organisations de la société civile, il lui revient d’entretenir une relation de proximité et de tenir compte de leur ressenti de terrain. En particulier, il dispose, avec le Conseil économique, social et environnemental, d’un outil réformé où sont rassemblées les forces vives du pays qui peuvent être plus étroitement associées à sa politique. Elles ont vécu comme un certain mépris les relations qu’elles ont entretenues avec la présidence et les gouvernements successifs et attendent clairement une relation plus fluide. Au surplus, cette institution peut intégrer le point de vue des citoyens au travers des dispositifs de participation et de conventions citoyennes qui ne doivent pas cependant se révéler sans effet réel sur les orientations des politiques publiques. Je peux, à cet égard témoigner de l’utilité de la catégorie des personnalités qualifiées, qui a été supprimée lors de la dernière réforme, et qui avait le mérite d’apporter un regard déconnecte de celui des organisations mais ancré dans les territoires. Leur apport au contenu des avis était, je peux en témoigner, sensible du point de vue de la prise en compte des préoccupations locales et du quotidien.

Un autre rapport aux élus locaux qui maillent le territoire est bien entendu nécessaire non seulement pour faire vivre la démocratie et donner une autre image du pouvoir.

En un mot, Emmanuel MACRON doit tout simplement se réinventer pour devenir un Président Républicain susceptible de rassembler les Français et de faire vivre dans toute son étendue la devise nationale. Ce n’est pas gagné mais c’est nécessaire dans l’intérêt même du Président réélu, de notre pays et de notre démocratie.

Yves URIETA

Président de Convergence Républicaine

Ancien maire de Pau

Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental