Mettre un terme aux contre-vérités sur la réforme des retraites !
Augmenter le taux d’emploi des seniors ne passe pas forcément, contrairement à ce que laissent entendre le gouvernement et ses partisans par un report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans, voire à 65 ans. A l’instar de la Finlande, d’autres pays y sont parvenus sans pour autant appliquer cette règle purement mécanique, qui serait particulièrement inégalitaire
Il conviendrait bien plutôt, selon nous, d’améliorer enfin les conditions de travail et la formation des seniors mais aussi d’élaborer et de mettre en place un nouveau pacte générationnel entre les jeunes et les retraités.
Les partisans d’une réforme avancent en général deux arguments pour repousser l’âge légal de la retraite : elle serait financièrement indispensable et, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, il faudrait travailler plus longtemps. Or, sur le plan financier, la situation n’est pas catastrophique. Selon le Conseil d’orientation des retraites le déficit devrait se résorber dans quelques années, essentiellement parce que beaucoup de réformes ont été entreprises en France depuis 1993 pour stabiliser la part des retraites dans le produit intérieur brut (PIB). Elle est de 14 % aujourd’hui et devrait même baisser un peu dans le futur.
Quant à l’espérance de vie, elle se réduit aux Etats-Unis et se stabilise en Europe. Dans les années 1990 et 2000, elle augmentait de trois mois par an mais elle n’a plus progressé que d’un mois par an ces dernières années. En outre, il convient de prendre en considération les fortes disparités qui la caractérisent, que ce soit entre hommes et femmes ou entre cadres et ouvriers. Chez les hommes, en France, il faut ainsi savoir qu’un ouvrier vit en moyenne sept ans de moins qu’un cadre. C’est d’ailleurs le plus gros écart au sein de l’Union européenne.
Par ailleurs, la France présente un ratio d’espérance de vie en bonne santé assez réduit si on se compare avec les pays nordiques : un Suédois peut espérer passer 75 % de sa durée de vie à la retraite sans incapacité ; ce n’est plus que 50 % pour un Français en moyenne, 25 % pour les ouvriers et 75 % pour les cadres. Cet écart d’espérance de vie en bonne santé est moins important pour les femmes mais il n’est pas négligeable, ce qui souligne qu’un même âge pour tous ne tient pas compte des disparités sociales.
En France, le paradoxe consiste à vouloir allonger la durée du travail par une réforme des retraites alors qu’une moitié des gens n’est, de fait, plus en emploi au moment d’ouvrir ses droits et que l’autre moitié doit travailler plus, dans des conditions qui se dégradent et deviennent de moins en moins supportables. L’hyper productivité use les salariés depuis une quinzaine d’années et ils veulent dès lors partir le plus tôt possible comme c’est le cas de près de 80 % des salariés interrogés.
Ce que montrent pourtant les exemples étrangers, c’est que quand une entreprise investit pour améliorer les conditions de travail, quand elle met en place des horaires adaptés aux vies des salarié.es et une organisation du travail horizontale, ils sont prêts à rester et travaillent mieux. Cela correspond à une économie de la qualité, basée sur la confiance, la créativité, qu’on ignore encore trop en France.
Tout ceci montre que derrière le projet du gouvernement se trouve la volonté cachée car indicible de dégager des moyens budgétaires pour financer d’autres dépenses plus valorisées par l’équipe actuelle. Cela souligne la nécessité de faire avancer, dans notre pays, le camp progressiste au bénéfice d’une refondation basée sur les principes républicains, humanistes et sociaux-démocrates qui seul pourrait éviter de telles dérives dans notre pays.
Yves URIETA
Ancien maire de Pau
Président de Convergence républicaine
Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
