
La laïcité, clé de voute de la République
Il convient de condamne avec la plus grande détermination l’attentat commis contre la mosquée de Bayonne qui a fait deux blessés graves.
Les citoyens de confession musulmane ont, bien entendu, le droit de pratiquer leur culte et l’État doit les protéger comme il doit le faire pour tous les citoyens menacés pour leurs convictions. Garantir la liberté de conscience et donc le choix de croire ou de ne pas croire, tel est le sens premier de la laïcité.
Depuis des années, on ne peut que déplorer les tentatives de détournement de la laïcité par l’extrême-droite à laquelle elle est historiquement étrangère quand elle ne l’a pas combattue au nom d’une identité nationale ethnique et cléricale. Mais cette situation n’a été rendue possible que parce que les majorités politiques successives de droite et de gauche ne se sont pas donné les moyens de faire appliquer la laïcité partout où les revendications communautaristes menaçaient les principes fondateurs de la République et justement la laïcité en premier lieu.
Alors qu’une très large majorité de nos concitoyens plébiscitent la laïcité, il faut urgemment mettre un terme au processus qui voudrait enfermer la République dans le piège d’un affrontement entre xénophobie nationaliste et islam politique.
En particulier, sur un fond de débats électrisés concernant l’insécurité, l’immigration et l’identité, la question des mères accompagnatrices voilées provoque des attaques inacceptables et irresponsables à l’encontre du principe de laïcité et de ses défenseurs. Ces controverses ne contribuent pas, à l’évidence, à un débat serein.
Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » et affirme que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ». Ce texte, qui a valeur constitutionnelle (par renvoi du préambule de la Constitution de 1958) énonce ainsi avec force le rôle intégrateur de l’école, lieu de travail et d’émancipation où des élèves, vulnérables, sont appelés à forger leur liberté de conscience.
Encadrer des élèves dans le temps des activités scolaires ou durant un temps pédagogique revient manifestement à contribuer à l’éducation, laquelle ne se réduit pas à un enseignement mais emprunte aussi la voie de l’exemplarité. En ce sens, il m’apparait discutable de soutenir qu’un accompagnateur serait un simple usager de l’école, bien que l’état actuel du droit ne permette pas d’interdire à des mères d’élèves de participer à un tel encadrement sous le seul motif qu’elles portent un voile.
Il est évidemment difficile de donner une protection normative – sous forme de lois contraignantes – à un ordre symbolique, issu d’un pacte séculaire de discrétion, dans lequel la religion ne s’exhibe pas et ne déborde dans l’espace public que de manière limitée (processions traditionnelles, sonneries de cloches, musées, etc…). Un ordre symbolique dans lequel, selon la belle formule de Jean-Eric Schoettl, « la femme donne volontairement à voir (au travers de la visibilité de sa personne), qu’elle n’est ni asservie ni reléguée, et que ce n’est pas à elle, mais à l’homme, de contrôler la libido masculine ».
Mais l’univers scolaire, en tout état de cause, appelle des règles claires et non équivoques, pour préserver nos enfants et protéger toutes les familles du prosélytisme et de l’assignation. C’est une condition essentielle du projet émancipateur de la République. Depuis plus d’un siècle, le principe de laïcité a permis de faire société, dans un respect mutuel et dans la cohabitation paisible de la croyance et de l’incroyance. C’est la voûte commune et protectrice qui préserve à la fois l’intérêt général et la liberté de conscience.
J’en appelle au Président de la République afin de mettre rapidement un terme à la confusion, de faire appliquer la loi de 1905 trop souvent contournée, de protéger l’école publique et la conscience des élèves contre les influences prosélytes extérieures, de combattre la montée en puissance du communautarisme dans les lieux publics en affirmant notamment l’égalité des droits et des devoirs entre tous les citoyens, quelles que soient leurs origines, leur couleur, leurs appartenances religieuses ou philosophiques, leur sexe.
A cet égard, la constitutionnalisation des deux premiers articles de la Loi de 1905, sans autre modification de la Constitution, apporterait à ces débats outranciers une réponse claire, sereine et pérenne :
- article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ;
- article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Ces évènements sont trop graves pour être abandonnés aux stratégies politiciennes. C’est la paix sociale, la concorde nationale qui sont potentiellement désormais menacées.
Yves URIETA
Président de Convergence Républicaine
Ancien maire de Pau
Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental