Gabriel ATTAL : la grande illusion
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Gabriel ATTAL : la grande illusion
On aura presque tout lu ou entendu sur Gabriel ATTAL à la suite de sa nomination comme Premier ministre par Emmanuel MACRON : il est jeune, homosexuel, ambitieux, avec un bagage universitaire et il a fait du théâtre en CM2 à l’Ecole alsacienne, institution symbolique de la grande bourgeoisie éclairée. On sait aussi qu’il a été élevé dans la religion orthodoxe par sa mère d’origine russe blanche.
A l’inverse, si l’on s’interroge sur ce pour quoi il a été nommé à ce poste, on ne trouve qu’une explication plausible : ce jeune homme si populaire apparaît, en définitive, comme le seul membre du staff macroniste en position de «faire barrage au Rassemblement national», à cinq mois de l’élection du Parlement européen, où la liste de Jordan BARDELLA promet de surclasser celle de Renaissance, qui peine à trouver une tête de liste présentable.
Pour camper un anti-Bardella, Gabriel ATTAL n’a pas attendu plus d’une heure après la passation de pouvoir à l’hôtel Matignon : il s’est précipité chez les inondés du Nord-Pas-de-Calais. A une propriétaire dont le bar-tabac est dévasté, il assure : « Vous êtes l’incarnation de la France qui se lève tôt. » Du Nicolas SARKOZY pur sucre. Car le Premier ministre n’aurait pas fait preuve de moins de compassion en lui disant : « Vous êtes une victime de l’incurie des pouvoirs publics qui ont négligé cette terre de polder, située sous le niveau de la haute mer depuis le XIIe siècle… ».
Voici donc la méthode ATTAL, qui a fait de lui le chouchou des commentateurs : contourner le fond des problèmes et concentrer la communication sur ce qui fait mouche dans les médias. C’est ainsi qu’il a percé en quelques semaines à l’Education nationale à coup de propositions – remplacer l’abaya par l’uniforme, le brevet par un mini-bac couperet, le collège unique par des classes de niveau, l’esprit critique et citoyen des élèves par le respect de l’autorité – pour masquer le véritable problème : la crise dramatique de recrutement des enseignants.
En cinq mois de présence à l’Education nationale Gabriel ATTAL est devenu l’interlocuteur préféré… du Figaro, organe central des partis de droite français. Celui-ci consacre sa une à saluer le «pari audacieux» que constitue la nomination de ce jeune Premier ministre mais fixe la ligne qu’il devra suivre : « Au souci de l’autorité, de la transmission, du travail qu’il a montré rue de Grenelle, il va devoir ajouter l’obsession de la sécurité du quotidien, la maîtrise des frontières et des comptes publics, le retour aussi d’une fierté collective. »
L’éditorialiste ne cache pas son plaisir à la perspective de voir ce programme commun de la droite conservatrice et du RN mis en œuvre par un homme venant du PS.
Ne nous y trompons pas : tenter de faire croire qu’on peut contrer l’extrême droite en reprenant ses mots et surtout en faisant son boulot à sa place, c’est là une illusion ! Le triste épisode de la loi immigration est là pour le démontrer : en votant une loi qui reprend les thématiques de la « priorité ou préférence nationale », plutôt que de faire reculer les thèses de Marine LE PEN, les macronistes n’ont fait que se tirer une balle dans le pied.
Le piège dans lequel Emmanuel MACRON a choisi d’enfermer non seulement son gouvernement et ses soutiens parlementaires mais aussi le pays tout entier n’a pas fini de produire des effets délétères. Le 25 janvier, le Conseil constitutionnel rendra certes sa décision sur le projet de loi qui lui est soumis. Près de 25 articles sont menacés de censure car contraires à la Constitution, sur le fond ou sur la forme.
Plutôt que de signer une victoire définitive du droit sur l’opportunisme et la démagogie, le verdict des juges suprêmes relancera, voire décuplera la polémique : on peut s’attendre à ce que les élus LR et RN relancent la machine en exigeant le vote d’une loi reprenant tous les articles déclarés « cavaliers législatifs », c’est-à-dire non contraires à la loi fondamentale mais censurés car étrangers au but de la loi.
Mieux encore, ils proposeront de changer la Constitution pour permettre enfin aux représentants du peuple de légiférer sur l’immigration, balayant dans le même mouvement un soi-disant «gouvernement des juges opposé aux aspirations du peuple souverain». Encore un thème, porté par les extrêmes droites depuis des décennies en Hongrie, Pologne ou Israël, qui pourra prospérer un peu plus en France.
A peine deux semaines après sa prise de fonction, Gabriel ATTAL devra expliquer au nom de quoi il s’oppose à ce que soient mises en œuvre des dispositions pour lesquelles il s’était favorablement prononcé et pour lesquelles les députés de sa majorité relative avaient voté un mois auparavant. A cet effet, il aura besoin de bien d’autres arguments que de la com, dans laquelle il excelle…
Yves URIETA
Président de Convergence Républicaine
Ancien Maire de Pau
Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental