
Le projet des Républicains pour 2017, adopté le 2 juillet 2016 par le Conseil national de ce parti, comporte notamment une proposition au titre sans ambiguïté : « supprimer le Conseil économique, social et environnemental ». Elle est motivée de la façon suivante : « Dans son rapport 2015, la Cour des Comptes insiste sur la nécessité de réformer le CESE dont l’utilité est réellement remise en question, concernant notamment sa mission de favoriser le dialogue avec les catégories socioprofessionnelles. Nous estimons que son rôle ne se justifie plus. Croyant dans le dialogue social, nous voulons le refondre car nous pensons que cela doit se faire à présent au niveau des entreprises ».
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On voit bien les ressorts démagogiques qui ont présidé à l’adoption d’un tel objectif, qui se situe dans la continuité de celui visant à la réduction du nombre de parlementaires, en s’appuyant sur le discrédit qui touche les hommes politiques et les institutions en général. Au demeurant, le gain budgétaire de la suppression éventuelle du CESE (moins de 40 millions d’euros) suffit à en relativiser la portée du point de vue de la gestion des finances publiques.
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Tout montre au contraire que notre pays a grand besoin d’une institution telle que le CESE qui, à bas bruit, conduit les organisations qui structurent la société civile à s’écouter, se respecter faire des pas les unes vers les autres pour parvenir aux compromis nécessaires entre des intérêts par nature divergents. Le mouvement social autour du projet de loi travail et les fractures qu’il révèle au sein du corps social en fournissent une preuve éclatante.
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Ce dont a souffert ce projet de loi, ce n’est pas d’un excès de dialogue entre les partenaires sociaux mais bien plutôt de son insuffisance. Les évolutions qu’a connues ce texte au fur et à mesure du développement du mécontentement et de la discussion budgétaire sont désormais trop tardives et insuffisantes pour rassembler les parties prenantes alors que les désaccords ont été profonds. Tel n’aurait pas été le cas si une large concertation avait précédé l’élaboration de ce projet de loi, comme le prévoit d’ailleurs à loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social dite « loi Larcher ».
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Ce n’est donc pas en supprimant la seule institution de la République où sont représentés les corps intermédiaires, appelés à s’entendre sur les sujets les plus divers – ce qui implique d’abandonner un tant soit peu les postures d’appareils – que l’on résoudra ce problème spécifiquement français. C’est au contraire en dynamisant cette institution pour lui permettre de trouver toute sa place et d’éclairer les politiques publiques par le ressenti de nos concitoyens, au plus près du terrain.
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Que des réformes soient nécessaires pour aller dans ce sens, nul ne saurait en disconvenir : c’est le lot de toute institution dans une société complexe, c’est même un principe pour la vie de chacun d’entre nous. Par exemple, la mise en place de relations partenariales étroites entre le CESE et le gouvernement et le Parlement, associant l’assemblée de la société civile organisée à l’élaboration de certains projets de textes législatifs et règlementaires, serait de nature à dégager les voies du possible dans le souhaitable, en faisant régresser les résistances au changement.
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D’autres évolutions sont sans doute nécessaires et j’ai moi-même, dans le passé, avancé des propositions en ce sens. Ce qui est clair, c’est que cette institution est plus nécessaire que jamais dans une République où les organisations se confrontent plus ou moins violemment plus qu’elles ne dialoguent. Elles y sont d’ailleurs d’autant plus portées qu’elles sont faibles et divisées. A cet égard, le choix de privilégier l’accord au niveau de l’entreprise n’a de sens que s’il s’accompagne d’une augmentation substantielle du poids des organisations syndicales – mais aussi patronales -, en termes notamment de nombre d’adhérents.
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Le renforcement – et non la suppression – du CESE s’inscrirait pleinement dans cette perspective, tout en respectant l’autonomie des partenaires sociaux. Le dialogue social qui se déroule au Conseil s’élargit d’ailleurs au dialogue civil en enrichissant la réflexion par les apports du vaste tissu associatif, coopératif, mutualiste… Nulle part ailleurs on ne trouve une telle diversité d’origines, de parcours, de professions, à l’opposé de l’homogénéité socio-culturelle des assemblées parlementaires. Le pays profond possède ainsi son assemblée, située au Palais d’Iéna.
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La campagne présidentielle mérite mieux que des propositions démagogiques et dénuées de fondements. Utilisons davantage les avis du Conseil avant d’envisager sa suppression, pour faire vivre la République sociale qu’a souhaité instaurer les constituants de 1958 !
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Yves Urieta
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Président de Convergence Républicaine
Ancien maire de Pau
Ancien membre du Conseil économique, social et environnemental
2 Avis
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Excellente approche du rôle du conseil dans la République. On ne peut que regretter que les organisations qui en sont membres ne se manifestent pas dans le même sens.
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Le rôle et les travaux menés par le C.E.S.E. sont souvent méconnus et plus indispensables qu’il n’y paraît de prime abord.
Dans une démocratie évoluée, il est force de réflexion, vivier d’idées et sources de propositions.
La diversité des personnes le composant, ainsi que leurs différents parcours professionnels, sportifs, associatifs ou syndicalistes autorisé une représentativité de la société dans son ensemble.
De cela naît des propositions dont les politiques gouvernants auraient grand intérêt à en tenir compte.
Aussi le procès fait au C.E.S.E. qui consiste à le trouver trop dispensieux ressemble à celui fait à son chien dont on veut se débarrasser, invoquant qu’il a la rage.
La réalité est tout autre, son rapport coût/apport est plus que supportable et notre Nation gagnerait à en prendre conscience.