Bien cibler la relance

Bien cibler la relance

 

Bien cibler la relance

 

Comment prendre le risque d’une crise économique, écologique et sociale après la crise sanitaire que nous traversons ? Redémarrer comme avant serait tout simplement ignorer les leçons du drame en cours, et risquer de renforcer la crise climatique et environnementale. A l’opposé, apprendre des erreurs et fragilités face à la pandémie pour aller vers de sociétés plus résilientes, capables de mieux anticiper, se préparer, réagir avec rapidité et s’adapter à des situations de crise, tel est bien le défi qui nous attend.

Le changement de cap des politiques publiques devra s’appuyer sur les enseignements de la crise sanitaire, en particulier quatre d’entre eux : la destruction de la vie sauvage et de son habitat est à l’origine d’infections et de propagations de virus qui ont des impacts sur la santé humaine. C’est une raison supplémentaire pour stopper la destruction des espaces naturels et de la biodiversité.

La mondialisation accélérée, les délocalisations massives, les coupes dans certains services publics ont rendu notre pays plus fragile, dépendant des importations et sans marge de manœuvre. Les alertes des scientifiques ont été souvent ignorées et n’ont pas donné lieu à des politiques adaptées aux risques. Enfin, on sait bien que les situations de crise ont davantage de conséquences sur les plus modestes et les plus vulnérables. Réduire les situations de précarité est donc un impératif, car nous ne sommes pas tous égaux face à ces crises, loin de là.

Face à la pandémie, l’Etat a fait passer la préservation de vies humaines avant les intérêts économiques. Il a pris des mesures radicales, avec un confinement imposé qui semblait, quelques semaines plus tôt, irréalisable hors d’un pays comme la Chine. Il a mis en place des dispositifs de chômage partiel ou des reports de paiement des cotisations pour les entreprises. Des nationalisations sont même évoquées. Bien loin des mots d’ordre libéraux jusque-là en vigueur, les entreprises appellent au secours et le besoin d’Etat devient le nouveau credo. Bruno Le Maire s’y est engagé en affirmant que l’Etat apportera « les moyens financiers nécessaires aussi longtemps que la crise durera », pour éviter « un naufrage » de l’économie.

Mais il ne s’agit pas de sortir d’une crise sanitaire pour appuyer sur l’accélérateur et foncer vers la crise climatique et environnementale déjà enclenchée. Si les tribunes se multiplient pour plaider pour une relocalisation des productions, une meilleure prise en compte des impacts environnementaux, la réduction des inégalités et une préservation des services publics, il faudra plus que des paroles pour engager les transformations nécessaires. C’est maintenant, lorsque l’Etat répond aux appels à l’aide des entreprises, qu’il doit exiger des contreparties.

S’il n’est pas question de laisser des entreprises s’écrouler faute de chiffre d’affaires pendant la durée du confinement, l’aide de l’Etat devrait être conditionnée à un changement de cap programmé et compatible avec les objectifs climatiques et la préservation de l’environnement. Il ne pas laisser tomber Air France, c’est clair, mais cela doit s’accompagner de plans pour réduire le trafic aérien, en particulier sur les vols intérieurs. L’Etat devrait accompagner ces conditions de mesures fiscales et réglementaires en cohérence avec ses objectifs climatiques, mais aussi rendre le train plus accessible.

Le secteur automobile est également à l’arrêt. L’Etat devra, à l’évidence, l’aider à passer ce cap difficile, mais, en contrepartie, il devrait exiger un plan de transformation de la production et d’investissements dans les nouvelles motorisations : comment continuer à promouvoir la vente de SUV qui contribuent à la pollution de l’air et au dérèglement climatique ? L’Etat pourrait, là aussi, accompagner ces plans de mesures fiscales ou réglementaires rendant plus accessibles les véhicules les moins polluants, tout en renforçant les moyens pour développer les mobilités alternatives (pistes cyclables, transports en commun…).

Nombreux sont les secteurs touchés. La nécessité et la proportion du soutien public doivent être évaluées au regard des capacités des entreprises à amortir elles-mêmes les baisses d’activité. Il est nécessaire qu’une attention particulière soit portée aux petites et moyennes entreprises, qui constituent le cœur de l’emploi et de la transition écologique et énergétique. L’utilisation des aides exige la transparence, grâce à la mise en place d’indicateurs et d’outils de suivi. L’Etat devrait également assortir la mise en place d’aides à de strictes conditions environnementales, sociales et fiscales. Il devrait exiger des feuilles de route pour la transition des entreprises soutenues incluant un plan de baisse de l’activité le cas échéant et une diversification des investissements afin de respecter les trajectoires de sortie des énergies fossiles.

L’Etat devrait s’assurer d’un strict respect des budgets carbone, en particulier pour les secteurs soutenus. Il pourrait ainsi renforcer la réglementation environnementale déjà mise à l’agenda politique, notamment dans le cadre du « Green Deal»» européen pour l’aviation (fiscalité sur le kérosène) et l’automobile (renforcement des normes de CO2). Enfin, une trajectoire de suppression des niches fiscales néfastes au climat bénéficient certaines entreprises devrait également être instaurée.

Pourquoi se préoccuper de ces enjeux actuellement, en pleine crise sanitaire ? Parce que c’est précisément maintenant, alors même que les mesures de soutien aux entreprises sont prises, que de telles contreparties devraient être actées.

Yves URIETA

Président de Convergence Républicaine

Ancien maire de Pau

Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental

 

 

Yves Urieta

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